Nous décollons 15 minutes à l’avance et arrivons à Cebu avec le même laps de temps d’avance. Une première dans l’histoire de nos pérégrinations asiatiques, tous moyens de transport confondus. Après une petite demie-heure de taxi, nous arrivons à Cebu city, la plus vieille ville des Philippines. Le moins qu’on puisse dire c’est que la ville porte fièrement son titre bien qu’elle accuse amplement le poids des ans. Le quartier où nous nous posons momentanément est un repère à prostituées qui ferait passer Bangkok pour un cloître et la décrépitude et la pollution ambiante, en l’incarnation d’un smog s’étalant sur des dizaines de kilomètres, détrône Jakarta au classement des villes où nous ne nous attarderons pas.
Le lendemain, nous prenons le ferry de 9h30 pour Tagbilaran, ville à taille un peu plus humaine mais tout aussi polluée qui sert de capitale à l’île de Bohol, la 10ème plus grande île de l’archipel Philippin. Nous nions royalement les rabatteurs qui veulent nous emmener dans des resorts en bord en mer et sautons dans la première Jeepney pour Loboc, où se situe Nuts Huts, le paradis des backpackers selon le Lonely Planet. Nous marchons les quelques kilomètres séparant le site de Loboc et arrivons trempés de sueur mais nous ne sommes pas au bout de nos peines car une abominable volée d’escaliers descend depuis le restaurant/réception et il va donc inévitablement falloir les remonter. L’endroit est idyllique, en pleine jungle au bord d’une rivière d’un vert émeraude. Nous remontons péniblement pour manger notre premier repas de la journée car nous commencions à trembler d’un peu partout. Nous redescendrons zoner sur notre balcon le reste de la journée et réservons une mobylette pour la journée du lendemain non sans avoir sympathisé avec le patron, un anversois expatrié depuis 12 ans et nos voisins de table, à savoir des anversois également. Nous n’avons jamais rencontré autant de belges (encore moins) au même endroit, on se croirait sur la Costa del Sol!
9h le lendemain, nous trouvons notre mobylette à l’endroit convenu et partons aussitôt pour une ballade qui nous emmènera d’abord aux Chocolate Hills, parc national comptant un millier de collines plus ou moins identiques qui tiennent leur nom de la coloration qu’elles prennent à partir du mois de Mars. Une fois n’est pas coutume, nous sommes hors-saison et décidons avec l’anversois de la veille de les renommer les Tea Hills. Nous ne nous éterniserons pas au Choco Complex (sic) vu le grotesque de l’endroit. Une fausse grotte bleutée en polyester sert d’entrée au site, qui est plein à craquer de chinois essoufflés par la montée des 167 ridicules marches jusqu’au point de vue. Nous reprenons route pour Sagbayan et longeons des rizières sur des dizaines de kilomètres, surplombées par ces collines « chocolatées » qui s’étendent jusque là. Ce tronçon de route est tout simplement superbe et nous fait rapidement oublier l’anecdotique point de vue où nous venons de perdre 15 minutes. Nous bifurquons avant Sagbayan et empruntons un chemin de terre jusque Catigbian, où nous ferons une pause-clope pour oublier la rigidité de la selle de notre destrier. Nous nous remettons en route pour la réserve des tarsiers, à mi-chemin entre Corella et Sikatuna. Nous sommes accueillis par un ranger qui nous invite à pénétrer dans la réserve d’un hectare qu’ils ont aménagé spécialement pour ce petit primate aux yeux globuleux. 1 hectare semble énorme pour de si petites bestioles mais il nous informe qu’il ne peuvent en garder que 10 sur cette superficie sinon la nourriture commencerait à manquer. Ils sont actuellement 11 car un bébé tarsier a vu le jour il y 6 mois. Il a déjà sa taille adulte et le mois prochain, ils comptent le relâcher dans la jungle. Bien qu’ils aient un physique assez ingrat, ces animaux sont aussi attendrissants que curieux. On dirait un mélange entre un rat, un macaque à l’échelle 1/10ème et la gamine dans « l’Exorciste » à cause de leur faculté à pouvoir faire pivoter leur tête à presque 360°. Notre visite n’excédera pas 10 minutes car bien qu’étant une espèce protégée, les tarsiers sont avant tout des animaux nocturnes que les rangers essaient de déranger un minimum durant la journée. En sortant du complexe, il faut bien avouer que nous avons un petit creux et n’ayant vu aucun restaurant où échoppe sur la route, nous décidons de revenir jusque Tagbiliran pour enfin goûter un burger de chez Jollibee, fast-food local omniprésent aux Philippines. Nous ne sommes plus qu’à 6 kilomètres de la ville et vu que nous savons pas combien de temps nous allons rester au Nuts Huts, il serait judicieux de profiter des seuls distributeurs de billets de l’île. Nous nous acquittons de ces tâches assez rapidement car bien que d’une taille modeste, Tagbilaran reste une vraie ville avec tout ce que ça implique; pollution, trafic impossible, mendicité et blaireaux tentant de vous vendre n’importe quoi. Nous taillons la route jusque Loboc, où nous nous arrêtons pour contempler l’église, la deuxième plus ancienne des Philippines et observer les gens sortir les barbecues (enfin!) pour griller les kilos de porc leur servant de dîner. Nous rentrons « à la maison » avant le coucher du soleil car le chemin chaotique jusqu’au Nuts Huts doit juste être suicidaire la nuit tombée. Nous dînons d’un spaghetti et de quelques bières avec nos voisins de table, à savoir un écossais et une suédoise vivant ensemble à Stockholm. Discuter voyages avec ces gens amoureux du pays dans lequel ils vivent nous fait ajouter l’Ecosse et la Suède à notre petite liste…
Le lendemain, nous restons au Nuts Huts pour profiter de cadre enchanteur et ne ferons pas grand chose à part dessiner. Il nous reste un peu moins d’une semaine aux Philippines avant notre vol pour Singapour et il faut bien avouer que nous ne sommes pas pressés de retourner à Cebu. Nous conseillons Walter, le propriétaire des lieux, pour son prochain séjour sur Bornéo et viderons de nouveau quelques bières avec Tom et Nele, les anversois rencontrés la veille, qui s’en vont pour Banaue le lendemain. Nous leurs conseillons toutefois les services de Jeffrey et Derrick, les sympathiques guides que nous avons rencontré là-bas et espérons qu’ils auront droit au même traitement que nous!
Nous nous réveillons péniblement vers 11h ce troisième jour et après un déjeuner éclair, nous nous décidons enfin à assister à un combat de coqs, passe-temps favori des Philippins après le karaoké. Nous redescendons jusqu’à Loboc à pieds et rencontrons Shooti dans son échoppe, un vieil ami de Walter qui accompagne les touristes à ce genre d’événements. Le spectacle n’est pas aussi triste à voir que prévu, ces rixes ne s’avérant que très sporadiquement sanglantes malgré les lames aiguisées que les coqs portent à leurs pattes. L’important, c’est l’ambiance car après avoir vu un combat, ils faut bien avouer qu’ils se ressemblent tous. Le coq n’est pas animal à varier son style de combat; coups de bec, sautillements, battements d’ailes et déploiement de collerette constituent l’essentiel. L’arène est pleine à craquer d’hommes de plus de 18 ans (âge légal pour parier) qui s’époumonent et de bookmakers aux mémoires d’éléphant qui parviennent à retenir combien d’argent 30 personnes ont misé et sur quel volatile. Simplement incroyable, ils ne se servent ni d’un bic ni d’un bout de papier et tout le monde leur fait confiance les yeux fermés. Seul un jeune homme coche les noms des poulets victorieux sur un gigantesque tableau suspendu. Nous vous invitons à aller consulter les vidéos de cet évènement sur la page ad hoc pour que vous vous rendiez compte qu’il ressemble plus à « Wall Street » qu’à « Spartacus ». L’arène n’étant pas bien éloignée de Loboc, nous tuerons le reste de l’après-midi en retournant au Nuts Huts à pieds (5km) et rencontrerons des nouveaux arrivants Australiens sur la route qui nous déconseillent formellement de nous rendre à Alona Beach, la plage où nous comptions passer nos derniers jours sur Bohol. Elle serait selon eux beaucoup trop touristique, moyennement intéressante point de vue snorkelling et fréquentée essentiellement par des vieux occidentaux au regard lubrique. Finalement, nous sommes très bien où nous sommes…
Le lendemain, nous irons juste essayer une tyrolienne horizontale de 500m de long qui passe 120 mètres au dessus de la rivière Loboc, d’où le village tient son nom. L’expérience est bien moins impressionnante que prévu mais valait néanmoins le coup d’être tentée. Nous redescendrons dessiner dans notre cabane l’après-midi et irons nous coucher de bonne heure vu que nous avons réservé une mobylette pour le jour suivant afin de vérifier les dires des Australiens.
9h, nous montons péniblement l’escalier infernal du Nuts Huts pour récupérer notre destrier. Ce n’est pas le même que la dernière fois et celui-ci s’avère être en bien meilleur état que le précédent. Malheureusement nous n’aurons pas le loisir d’en profiter beaucoup vu qu’une fois sur Panglao, l’île voisine de Bohol reliée par 2 ponts où se situe Alona beach, une pluie torrentielle nous empêchera de nous déplacer à notre guise. Nous nous promenons tout de même sur des plages qui n’ont effectivement rien de stupéfiant (nous plaignons d’ailleurs les touristes allemands qui se sont fait déposer là pour la journée) et repartirons assez tôt vers Tagbilaran, où Ben ira se faire couper les cheveux dans un salon de coiffure/barbier/masseur/réparateur de téléphones/vidéoclub, ça ne s’invente pas. De retour au Nuts Huts, nous approuvons l’itinéraire que Walter s’est imposé pour son mois de vacances dans le Sabah et prenons congé après un dernier cocktail. Demain, retour à Cebu pour 2 nuits avant notre dernier vol pour Singapour! Ça pue la fin…